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Une chaleur infernale

 

Première Partie

 

« La fin du monde, oui, oui. Vous savez une vieille comme moi, on en a vu dans cette chienne de vie. Des tas de choses qu'on a vues, entendues, senties, on le voit bien maintenant. Et on les subit même. Mais ça a toujours été comme ça. Oui. Il s'en passe des choses dans le monde sans qu'on s'en rende compte, parce qu'on vit notre petite vie, hein. Mais tout est important. La canicule là, vous voyez. On la connaît, on la subit, on crève quand le ventilateur est en panne, nous, petits vieux. Mais il s'en passe tellement de choses en dehors des petits problèmes qu'on a toujours trop dramatisés, au lieu d'utiliser notre énergie à sauver le monde.

« Et donc dans ce monde, qui est une autre échelle, c'est la sécheresse, plus d'eau, plus de vie, la mort, partout, et pas seulement les vieux, enfin les personnes fragiles. Mais pas que dans le désert hein attention, faut s'informer un peu des fois. Toutes ces forêts, enfin ce qu'il en reste, ravagées par la chaleur, le feu, les incendies.

« On aurait tendance cette fois à moins y penser et à dédramatiser. Tout est histoire de relativité, de proportion. Les gouvernements en savent un bout là dessus. Les incendies il y en a tous les jours, même si on s'en aperçoit pas. Et ça fait pas mal de temps qu'on a la chance que le monde n'ai pas pété. Il y a toujours un petit feu qui brûle quelque part, mais quand ça va péter !

« Vous verrez le 21 décembre, ou un autre jour peu importe, va y avoir un pépin quelque part, et tout va partir en fumée. Comme je vous disais, la sécheresse qu'on subit, par rapport au réchauffement de la planète, ha non ça on peut pas le nier, non non. Pas besoin d'être un scientifique pour dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Il n'y a qu'à regarder autour de soi. Je l'ai bien vu l'autre fois dans mon jardin, mes graminées tout secs, avec la chaleur et la sécheresse, c'était pas loin de prendre feu.

« Oui le feu ça fait tellement de dégâts, on n'y pense pas assez. On l'a pourtant découvert il y a pas mal de temps ! Mais on en connaît rien. Ça prend d'un coup comme ça, on n'a même pas le temps de s'en apercevoir qu'on est déjà brûlé vif. Ou étouffés par les flammes ma foi. On peut pas s'en sortir. On peut rien faire, c'est notre pire ennemi. Vous verrez qu'il va tous nous emporter dans l'autre monde.

« Avec toutes ces saletés que les Hommes ont inventées, créées, répandues partout, dans tous les recoins, ça va être facile de tout faire sauter ! A la manière des pirates, comme on faisait sauter un bateau en mettant le feu à la poudre dans la cale . A cause de personnes égoïstes et débiles, l'humanité va sombrer. C'est pas faute d'avoir essayé de mieux vivre. Mais pour ça il fallait un cerveau. Dommage.

« C'est pourtant pas compliqué de réfléchir un peu. Tout n'est pas écrit dans les livres, faut ouvrir les yeux un peu. Mais même de nos jours, on a pas tellement changé. Les gens on l'air de prendre des « mesures », de faire de l'écologie. Mais c'est proportionnellement rien du tout face à l'envergure des problèmes qu'on a. Ils croient bien faire mais ils sont à côté de la plaque. Ils sont débiles, rien dans le ciboulot. Comment est-ce qu'il pensent qu'on peut survivre. Est-ce qu'il sont vraiment aussi naïfs pour penser qu'on a une chance ? Ils se font des films, je vous assure.

« Tout va sauter, un bon coup de dynamite moi je vous le dis. C'est bien simple vous voyez. C'est même peut-être les terroristes qui vont s'en charger. Ça, il n'y a pas de problème, peu importe. Il suffit de tout relier, les grands centre de ravitaillement et de réserve, pétrole gaz poudre, tout ça, ça saute bien. Enfin, ça peut aider une bombe nucléaire. Tout ça relié à une toute petite mèche. Vous voyez cette mèche là, toute petite mais qui est sur le point de réaliser de grandes choses ! Le feu, c'est magique, mystique. Regardez tout ce qu'on peut faire. Une petite flamme et Bam ! C'est le monde qui explose. »

 

Rapport de l'enregistrement du 4 août 2012 à partir de la cassette retrouvé dans les cendres de la maison de la vielle dame interviewée qui aurait brûlé à ce moment. La fin de l'enregistrement fait entendre des rires nerveux puis des suffoquements. La personne qui l'entretenait ne semblait pas comprendre. Il faisait très chaud cet été là, et la cigarette qu'avait allumée la vielle femme, l'avait mise dans un état différent.

 

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Elle : « Hyppolite, vient voir.

Lui : « Ha oui, je prendrais bien un petit canon.

Elle : « Ne prend pas cette bouteille ! Je t'ai dis de venir voir ici.

Lui : « Bon, il faut savoir ! Que me veux-tu à la fin ?

Elle : « Tu ne sens pas une drôle d'odeur ?

Lui : « Oh oui, quelle chaleur.

Elle : « Non, pas de radiateur, il fait assez chaud comme ça.

Lui : « Pourrais tu me lire le journal, je te prie.

Elle : « Oui, infernal.

Lui : « Non, pas les annonces matrimoniales.

Elle : « Pourquoi tu me donnes le journal, tu sais bien que j'ai perdu mes lunettes.

Lui : « Non, toujours pas de nouvelles de la Lucette.

Elle : « C'est ça une odeur d'allumette !

Lui : « Oui, j'aimerai bien mes lunettes, je vois trouble.

Elle : « Il y a quelque chose d'étrange, comme un moteur qui...

Lui : « Déjà vingt heure, je me sens vraiment fatigué... (il s'endort)

Elle : « Non ne t'endors, pas... (elle s'endort).

 

Conversation entendue à travers la tuyauterie par les locataires du premier étage de la maison de Germaine et Hyppolite Druos.

 

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Confortablement installés dans leur grotte de home, un jeune couple aisé est sur le point de se rincer la panse. Mais avant cela il n'est point question de zapper un petit merci à celui qui ricane tout là haut. Hélas, il semblerait que ce ne soit pas tout à fait l'heure d’engloutir le pauvre cochon soigneusement préparé. C'est concentré, les mains croisées, que l'homme qui, contrairement à la femme, ne ferme pas les yeux à ce moment précis, aperçoit au travers des persiennes à demi closes une lueur inhabituelle. Cet homme, serein et maître de lui même, sait bien qu'il n'est pas fou et prend cette lueur au sérieux, si bien qu'il prive le cochon d'être dégusté fraîchement chaud. Ne perdant pas une seconde pour satisfaire leur bon rôle de couple sympathique et charitable, ils se précipitent d'un bond sur le seuil de l'ordinaire maison demi-classe de moyenne ville de campagne. L'homme a vu clair dans son pressentiment, car c'est en effet la maison d'à côté que les flammes engloutissent à une allure folle. Les yeux écarquillés, le type, bien comme il est, se ressaisit et fait le nécessaire pour que le dragon, de bonne envergure car né d'une force pyromane déterminée, calme ses ardeurs.

 

Après l'aventure qui a résulté de la douce folie d'une pauvre vieille, ils vont se coucher. Allongés dans leur lit, ils parlent de cet événement. Ils se posent des questions sur l'avenir et le malheur qui rodent, la fulgurance des événements, des choses, et l'instabilité du monde.

 

Au petit matin, la radio est allumée pour le petit déjeuner. Lorsque l'homme entend le mot « incendie » se détacher du flux de parole ininterrompu d'actualités, il se dirige vers le vieux poste et met le volume au maxi. Il est en fait question d'un autre incendie que celui auquel ils ont assisté la nuit précédente. A ce moment même la radio tombe par terre. Leurs regards se tournent vers le poste éclaté en treize morceaux sur le sol, puis ils se reluquent mutuellement, comme deux gros poissons. Le sol commence à danser sous leurs pieds, ce qui ne laisse plus aucun doute sur le fait que la terre tremble. Il se précipitent hors de leur home qui s'écroule derrière eux. Une fois dehors, ils sont éblouis par une lumière incroyablement ardente, intense et incendiaire, venant du ciel. Ils se reluquent à nouveau avec le sourire jusqu'aux oreilles ; tout ça est enfin fini, c'est le Grand Jour, le dernier jour, peut-on lire dans leurs yeux. Maintenant ils vont pouvoir monter vivre éternellement, Dieu les a choisis dans son camp. Non, Dieu s'en fou. Il n'en a rien à faire. Et alors ? Ils sont rassurés. Ils ont chaud tout de même. La lumière sacrée enveloppe tout l'espace. Très vite, la terre qui sanglote de plus en plus fort fini par craquer pour toujours s'épanouir, sous les mirettes des jeunes amoureux. La terre s’écarte sous leurs pauvres petits corps minuscules qui doivent affronter l'immense ouverture de l'écorce terrestre. Le cratère s'emplit de vide et le jeune couple doit faire face à cet immense gosier. Ce sont les flammes des entrailles de la terre qui semble vouloir les entraîner vers ce qui semblerait être les Enfers. L'un d'entre eux n'a pas réussi à attraper la main de Dieu. La jeune femme aura désormais les yeux fermés jusqu'à la fin de ses jours.

 

Derniers moments restés figés dans les yeux d'un jeune homme et d'une jeune femme.

 

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« Vous êtes en direct de votre Radio Préférée, tout de suite un flash spécial d'informations, Lucie à toi l'antenne, en direct de G...-sur-mer. Dzz Oui bonjour Jean et bonjour à tous, j'attire votre attention sur un événement qui vient de se passer ici, cette nuit à G... . Je me trouve actuellement aux abords de la maison de vacances du Président de la République qui a subi un terrible incendie la nuit dernière. Un périmètre de sécurité encercle le domaine qui a été touché dans son ensemble. Les pompiers ont encore du mal à arrêter le feu car le domaine est difficilement praticable. En effet, une épaisse forêt entoure la demeure pour éviter les intrusions indésirables. Nous ne savons pas encore quelles sont les causes de cet incendie, mais l'écroulement de la maison a emporté avec lui le Président et sa famille. Les équipes de secours sont sur le pied de guerre depuis sept heure ce matin. Selon le chef des pompiers, l'incendie aurait commencé bien plus tôt car à leur arrivé la maison était déjà écroulée et les braises bien développées. Seulement, les secours n'ont pas pu être prévenus car le domaine est assez isolé pour préserver l'intimité du Président. C'est le facteur qui aurait donné l'alerte. » Morceaux d'ondes interceptés entre une antenne et un satellite.

 

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Fiche technique récapitulative des mesures de sécurité du Festival

 

- Terrain :1,5 hectare d'herbe / au centre du campus universitaire / angles formés par deux routes et deux bâtiments.

- Enceinte : 1 hectare fermé / entouré par un couloir formé par deux longueurs de barrières heras recouvertes d'un feutre ininflammable / couloir et sorties surveillés par une équipe de vigiles et de maîtres-chiens.

- Entrée principale : Une porte principale d'entrée et sortie surmontée d'un barnum qui gère un nombre d'entrées sécuritaires / système de barrières de sécurité contre les bousculades et émeutes. Issues de secours : en huit points stratégiques tout autour de la délimitation de l'enceinte / système d'ouverture des doubles barrières / en cas d'évacuation redirection vers des zones de regroupements sécuritaire hors de l'enceinte / chaque bénévole qui garde une sortie est muni d'un extincteur, des numéros d'urgences et a reçu la Formation Incendie.

- Chapiteau principal : démontable / structure en fer, toile cirée blanche imperméable / complètement fermé sur la moitié côté scène pour protéger le matériel électrique, ouvert sur les côtés sur l'autre moitié pour laisser une libre circulation / scène protégée par un périmètre de sécurité où seuls techniciens et artistes peuvent pénétrer / la moitié fermé comporte quatre issues de secours sur les côtés gardé par quatre bénévoles responsables, formés et munies d'un extincteur.

- Village : bars restauration boutiques toilettes / chaque stand comporte un extincteur choisi en fonction des risques liés à l'activité / chaque responsable de stand à reçu la Formation Incendie.

- Chapiteau VIP : Deux entrées de chaque côté / deux surveillants responsables / deux extincteur sur les deux autres côtés.

- Poste de secours : Deux pompiers et deux secouristes / un extincteur. Grande tente des organisateurs : Une personne minimum obligatoirement présente / un extincteur.

 

Fiche technique pense-bête du responsable de la sécurité incendie sur le festival Rock'n'Toilets. C'était sans compter que la terre s'ouvrirait d'elle même sous les pieds de chacun, de même bien que dans une moindre mesure, dans la demeure du président la veille. Chaleur caniculaire ? Réchauffement climatique ? Disons que la nature reprenait ses droits.

 

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Edition du soir

 

Aujourd'hui à eu lieu le plus grand rassemblement contestataire d'hommes et de femmes que l'on ait jamais connu. Des interrogations, beaucoup, mais surtout une question : pourquoi le gouvernement ne fait-il Rien ? Le peuple est fou qu'on lui ai caché un tel événement, et qu'à présent Rien ne soit fait en sa faveur. La révolte est le mot d'ordre à cette heure. Mais c'est également le temps de la panique car la peur apparaît clairement maintenant que l'illusion a été éclaircie. Les esprits de chacun sont incendiés, échauffés déjà depuis longtemps à la révolte. On ressent encore mieux la lueur ardente qui s'échappe de leurs âmes. Et pourtant ils ne veulent pas parler tranquillement. Il n'y a plus Rien à dire ; il faut agir. C'est peut-être trop tard mais il n'y a Rien d'autre à faire. La masse est maintenant un grand feu qui désire ardemment se propager. La sédition va se transformer en destruction.

L'incendie se propage davantage alors que l'oxygène manque ; la pression était bien trop forte (médias, politique) et les forêts n'étaient désormais pas assez puissantes vu le génocide qui s'était opéré par les mêmes, toujours les mêmes. Ne respirant plus, les grands implosent et les petits explosent.

Tout autour, partout, les gens sont enfermés, renfermés, empilés. Physiquement, psychologiquement, mais surtout émotionnellement et sensoriellement. Dans un conformisme général, il se rappellent de ce que fut leur illusion, dans laquelle ils était profondément noyés. Leur faiblesse rend plus facile la transmission et la propagation du feu. Ce n'est pas une tare, un échec, au contraire. Maintenant ils savent que c'est humain, leur pauvre condition. Où vont-ils ? Ils ne se posent même pas la question. La question ne se pose pas. Il n'y a plus de repères. Aveuglés par les flammes et étouffés par la fumée, ils prennent les armes, comme un vieux reflex. La destruction est désormais irrémédiable et sans issue. Tout le monde a allumé le feu, à créer les braises, celle qui détruisent maintenant la Terre.

Il n'y a plus d'air. Bientôt l'humanité reviendra au néant originel.

 

Dernier éditoriale du réputé journaliste de France Soir, après quoi il alla rejoindre les autres pour le dernier combat. 

 

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Monsieur Er Tuofaneir,

 

Comme vous le savez, la sécheresse, qui a déjà provoqué beaucoup de pertes, sans compter les millions de morts bien sûr, continue. Les récoltes se font de plus en plus rares, et je crains que les prix ne connaissent une perturbation exceptionnelle jamais vue jusqu'ici.

Vous êtes, monsieur, l'un des derniers cultivateur de blé qui propose encore une commercialisation. Vos services sont nécessaires pour le bien de tous. Vous comprenez que c'est votre devoir de citoyen de coopérer avec une entreprise aussi importante que la nôtre.

Je vous propose un contrat que je joins à cette lettre. Il s'agit de minimiser les dégâts financiers pour tous les hommes de cette planète. Vous comprendrez que nous ne pouvons prendre de risques inutiles face aux besoins que nous avons eus jusqu'ici. Il s'agit de réduire le choc entre ce qui a été, autrement dit une certaine abondance, et ce qui est aujourd'hui, c'est à dire la crise.

 

Je vous remercie d'avance de répondre aussi vite que possible,

Le PDG, Monsieur Noita-Luceps

 

Lettre froissée et brûlée à moitié, non accompagnée d'un contrat.

 

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Quelque part sur une montagne

 

« Aujourd'hui est le jour où je pense écrire les derniers mots de mes mémoires. Voilà dix ans que je suis perché sur cette très haute montagne, alors je peux vous dire sans hésitation que c'est le dernier jour que les hommes vivront. Tout est calme, faussement calme vu d'ici. C'est un soir comme tous les autres, et je suis assis dans le même fauteuil que les soirs précédents. Je ne sais pas exactement ce qui se passe ailleurs tout autour de la Terre, mais je le devine. Ici j'ai appris à écouter ce que l'on ne voit pas. L'altitude de cette haute montagne me confère une énergie unique, due au Soleil. Sa proximité a changé ma façon de penser, de voir le monde. J'aime me sentir proche de cet astre fabuleux. Ainsi je fais part, sur ce papier imaginaire que personne ne lira, de ce que je vois et ressens à ce moment précis alors que la fin est proche. Ça a quelque chose de formidable, de supérieur, de vertigineux pour un vieil écrivain comme moi. Ici je me sens libre de tout, et la fin, la mort ne me font pas peur. Ils ne m'apparaissent plus comme une condition incontournable à l'homme, mais comme un phénomène astronomique puissant que l'on ne peut qu'admirer pour la beauté de sa force. Ici j'ai appris à maîtriser ce qui m'entoure. Alors je n'ai pas peur. Je sais ce que les choses signifient, je sais qu'elles évoluent et je sais qu'elle sont terriblement éphémères. Les hommes, enfermés dans le petit monde qu'ils se sont imposé, ultimement restrictif, qu'ils se transmettent d'esprits volontairement limités en esprit volontairement limités, me paraît tous les jours de plus en plus insupportable. Une telle restriction de la vie m'étouffe et me dégoûte. Il me fait honte qu'on en soit venu à un tel degré de déchirement et de destruction. De leur petit point de vue, je suis hors du monde. Hors, on ne peut être plus proche de celui-ci. Surtout à cette heure.

J’entends à présent le tabac de ma pipe frétiller anormalement. C'est le signal, le lever de rideau, le spectacle commence. Je suis bien assis, prêt à recevoir de tout mon corps et de tous mes sens. Il me reste quelques secondes pour finir de noircir le papier de ma mémoire, écrire à quel point mon corps s'élève, reçoit une énergie formidable. Je suis probablement l'un des premiers à recevoir la fabuleuse lumière des projections solaires, à subir le changement le plus radical qu’ai connu l'humanité, mais sûrement et surtout de la planète Terre. Ma peau me fait savoir que les particules solaires se rapprochent à une vitesse qui ne laisse même pas le temps de réaliser ce qui se passe, mais seulement de contempler.

Ma pipe est à présent entièrement consumée. »

 

Enregistrement des dernières pensées d'un homme grâce à l'appareil d'enregistrement des pensées sous forme de puce placée dans le crâne MindReport 192 π, stabilisée dans de la lave séchée, plongée au cœur d'un volcan.

 

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Chiffres à l'appui, les scientifiques sont les seuls à pouvoir nous montrer à quel point la Terre change, normalement ou anormalement, et vers quelles catastrophes nous courons.

Les températures augmentent (0,1° en 10 ans) donc les glaciers fondent (1,5 mètres d'épaisseur en 30 ans) donc la mer monte (inondations) donc la faune et la flore sont déboussolées (migrations anormales), ce qui nous donne aussi à voir de plus en plus d’événements climatologiques de plus en plus importants. Canicule, montée des eaux, typhons, sécheresse, moussons, incendies.

Les feux d'incendies carbonisent tout sur leur passage à une vitesse que l'on ne maîtrise pas, et leur température élevée allant jusqu'à huit cent degrés font exploser la roche. La sécheresse amplifie d'une façon formidable tout ce qui prend feu. Sans oublier que moins d'eau pour certain signifie trop d'eau pour d'autres.

Zones sauvages, forestière, jusqu'aux grandes villes. La terre, la flore, la faune, les hommes. Ce ne sera pas fini jusqu'à la Fin, les hommes plongent dans le gouffre sans retour. La bombe à retardement est inéluctablement lancée et sera sans pitié pour ses créateurs.

De plus en plus importants, ces changements et catastrophes deviennent insaisissables. Ils ne peuvent alors que s'amplifier et tout détruire.

Imaginez ne plus pouvoir poser un pied dans la ville de Los Angeles, entièrement bâtie de braises. Ne plus pouvoir poser le pied dans la ville de New York et de Londres, inondées par les eaux. Ne plus pouvoir poser le pied dans la ville de Melbourne et de Tokyo, où l'air bouillant n'est plus respirable. Ne plus pouvoir poser le pied dans la ville de Bombay, où les décombres de la ville recouvrent le sol. Ne plus pouvoir poser le pied dans la ville de Pékin, enveloppée d'une couche de sable brûlant.

 

La chaleur due aux hausses de températures provoque des canicules qui agissent sur le bien-être mental et physique des personnes fragiles, notamment âgées. Elle provoque également la fonte des glaces des enfants capricieux sur la plage qui n'arrivent pas à bout de la deuxième boule dégoulinant jusqu'aux coudes, et qui de ce fait provoque les migraines à répétition de leurs parents. Elle provoque également une forte migration humaine qui, ou bien ne peuvent plus se baigner dans les plans d'eau asséchés, ou bien pataugent dans leur salon. Migration qui implique une activité humaine toujours plus importante et donc polluante et auto-destructrice. Le masochisme inconscient est à son comble.

 

Les incendies sont quand à eux plus exterminateurs car ils éliminent d'une bouchée tout ce qui est vivant, ou ce qui l'a été. La vie c'est lui.

 

Le Soleil, cet astre si mystique. Une boule de feu qui en a fait rêver plus d'un. Mais il est si dangereux de lui faire face. Et pourtant certains ont essayé, ont joué avec le feu. On le pensait éternel, toujours présent et prêt à revenir après la nuit. Sa lumière plus ou moins étincelante est le facteur de la vie. Il a permis des choses tellement incroyables ; la vie, la pensée, l'amour. Et maintenant, sa présence beaucoup trop insistante nous détruit, tue tout ce qu'il a créé. Plus rien, le néant métaphysique, le noir des cendres, le vide astronomique. Plus jamais de couleurs, de sourires, d'abrutis.

 

Observations et vision du système d'un climatologue désespéré, qu'il répétait inlassablement en tournant en rond dans son bureau sur un ton monocorde, les mains sur le visage.

 

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Un enfant joue dans un bac à sable.

Mais pour cet enfant, c'est bien plus qu'on jeu. Il est seul, repousse les autres et déteste tout le monde depuis la moitié de sa vie. Dans un élan inconscient, le bac à sable est l'endroit où il passe pratiquement tout son temps. Sa vie est régie par celui-ci. Il y a construit, sur le modèle de ce qu'il a vu ailleurs – lorsque la force supérieure de ses parents l'obligeait à sortir – une forteresse remplie d'objets divers qu'il garde soigneusement pour remplir sa vie.

 

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Les Enfers remontent sur Terre

Pour balayer nos pêchés

La vengeance sera salée

Des larmes de la Sainte Mère.

 

Barricadé dans sa chapelle

Le vieil homme d'église

Sait en toute franchise

Que le destin est sans appel. 

 

Dehors les flammes ont ravagé

Tout sur leur passage

Du plus mauvais au plus sage

Plus de la moitié de l'humanité. 

 

Sans aucune pitié

Les Enfers sont là

Et ils n'attendront pas

Que les âmes se fassent pardonner. 

 

Il alluma toutefois l'ultime bougie

Dans une douce précipitation

Mais avec attention

Avec l'espoir d'avoir réussi sa vie.

 

Personne ne survécut Et la foi Ne sera Jamais plus. Poème écrit à l'encre bleu sur un six morceaux de papier toilette rose.

 

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Quelque part en Afrique.

 

Chaque jour appartient au flux du temps qui passe depuis des millénaires sur la terre de ce peuple qui vit par poignées de personnes dans des villages qui conservent depuis toujours une façon de vivre bien définie. Chacun possède sa façon de vivre, et de survivre. Et pourtant, selon des données scientifiques, l'Afrique serait le premier continent à subir les conséquences d'extravagances hédonistes dont ils ne sont absolument pas responsables. D'un point de vue climatologique, étant donné la vulnérabilité des terres et des infrastructures, ce seront les africains les premiers touchés. Ils ne savent pas pourquoi l'environnement change, pourquoi la mer monte, les lacs sont vides, les oiseaux changent de direction, les fleurs n'ont plus les mêmes couleurs et pourquoi les tempêtes ne préviennent plus. Ils restent en sédentaires sur les terres de leurs ancêtres. Sans vraiment comprendre ni chercher à combattre, ils subissent les conséquences d'hommes et de femmes qui, depuis toujours, agissent égoïstement contre leur bien-être.

 

« Va chercher de l'eau mon fils. »

« Je sens qu'elle arrive. »

« Je ne vois plus rien ».

 

Mais les hommes continuent à danser et à chanter sur le rythme des tam-tams.

 

 

Seconde Partie

 

A propos de cette collecte

 

Grâce à son pare-feu, la machine, elle seule, a survécu. Mais cette collecte, bien que maigre et exhaustive, lui est inaccessible. Jamais la machine, bien que créée par l'homme, qui s'y est consacré avec beaucoup d'acharnement et de minutie, ne connaîtra ni n'atteindra jamais l'humanité. Et pourtant, la machine à survécu à l'incendie dont la force peut dévaster toute vie. Protégée dans sa carapace, la machine a peut-être réussi à accéder à ce que l'homme, dans toute sa sagesse, redoutait le plus : la mort, et sa volonté la plus profonde : l'éternité.

Malgré la volonté humaine et la nécessité propre de la machine qui est de savoir tout et bien, cette collecte montre que ce n'est pas possible, malgré les formules mathématiques qui, lorsqu'elles sont appliquées au monde matérielles, sont soumises à la loi du hasard. Cette collecte est proprement humaine, tout en utilisant des outils divers. Elle est éphémère et transcendantale.

Et pourtant, tout ça a existé quelque part, pour quelqu'un, à un moment précis. Tout petit. Ces toutes petites choses ont aussi bien existé que l'immense incendie qui a ravagé la planète Terre, a existé pour l'espace-temps de l'Univers qui, un jour, trouvera sa fin aussi, et donnera la place à autre chose.

Et c'est cette existence qui justifie la collecte elle-même.

 

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Perte du pouvoir

 

« L'incendie est né d'une coalition entre une petite dose de gaz éjectée de sa réserve et une petite étincelle créée par le frottement rapide de minuscules silex taillés en roue dont les formules chimiques ont été découvertes et ainsi les effets contrôlés pour leurs donner une utilité. Origine : cigarette. Cause : pyromanie.

« L'incendie est né des chevauchements des plaques tectoniques à force de remous des eaux due à la fonte des glaciers polaires. Origine : réchauffement climatique. Cause : égoïsme humain.

« L'incendie est né de l'échauffement du temps de cerveau disponible au cours ces cinq dernières décennies. Origine : révolte. Cause : soif du pouvoir.

« L'incendie est né du dérèglement des réserves de lave due à la hausse des températures terrestres alors que l'écorce ne protège plus le sous-sol, écorce qui est devenu une véritable fourmilière, trouée de part en part. Origine : puisage excessif des réserves. Cause : hédonisme humain.

« L'incendie est né de la hausse des fréquences de répercussions des rayons solaires à l'intérieur de l'atmosphère, créant un état de sécheresse, faisant effet sur la matière terrestre majoritairement inflammable lorsqu'elle atteint une température limite qui, dans ces circonstances, est anormalement dépassée. Origine : réchauffement climatique. Cause : bêtise humaine.

« L'origine d'un incendie peut être très diverse, mais la cause reste la même : la folie humaine.

« Oh et puis chiottes, après tout, personne ne me lit.

« 00101001101000010100110011010 […] »

 

Une décharge mentale va l'arrêter net.

Ne plus regarder, voir.

 

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0110000110001111111000011110001111110001100000011000111111000111111100011111110000 01100000100000110000011000000110000000110110001100011000011000011000001100000000 011000000000001100001100000001111100001100110011000110000011000110000011111000000 011000000000001100000110000001100000001100011011000110000110000110000011000000000 01111111000011111110000111100011111100011000000110001111110000111111100011111110000 11111110011111110111111110011111100001110000111111001111111001110001100011011111111 110000001100000000011000001100011011001100011001100001100110001101100011000011000 1111100000111100000110000011111100111111100011111000001100110001101100011000011000 110000000000001100011000001100000110000110011001100001100110001101100011000011000 1111111000111111000011000001100001100000011011000110001100011110000111110000011000

 

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Le réveil

 

C'est indubitable, l'incendie ne saurait être maîtrisé par quoi que ce soit. Il attaque, et son empire est celui de la destruction. Tout n'est que cendre. Oui mais, sauf là où il y a du sable. L'ultime position de défense de cette insecte, dont l'instinct de survie est façonné en fonction de son environnement et préparé à divers événements envisageables, a permis à quelques espèces de bestioles semblables de conserver ce que tous ont perdu. C'est maintenant l'heure du réveil du petit insecte enfoui dans le sable, après un moment indéterminé en hibernation. En toute discrétion comme toujours, le petit insecte sent qu'il n'y a plus de danger aux alentours, et sait qu'il peut sortir sans trop de craintes. Enfin un peu quand même, puisqu'il ne sais pas ce qui l'attend en dehors de son abri. Est-ce que quelque chose l'attend dehors ? Pas encore.

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